Un site unique du mur de l’Atlantique

Le mur de l’Atlantique est un vaste système défensif côtier, long de plus 4 000 km, construit durant la Seconde Guerre mondiale, par l’Allemagne nazie pour se protéger d’un débarquement des Alliés durant la Seconde Guerre mondiale.

Une localisation stratégique

En 1942, l’armée allemande repère la commune d’Azeville, en retrait du littoral, à quelques kilomètres de Sainte-Mère-Eglise, pour y installer un point d’appui stratégique. Une batterie invisible depuis la mer !

Située à 4 km de la plage des Gougins (Saint-Marcouf), la batterie d’Azeville est chargée de protéger la côte est de la Manche d’un éventuel débarquement. Ses canons couvrent ainsi un secteur qui s’étend de la baie de Saint-Vaast-la-Hougue jusqu’à la baie des Veys.

Champ de battage de la batterie d'Azeville : de la baie de Saint Vaast la Hougue jusqu'à Utah Beach, Sainte Marie du Mont
Champ de battage de la batterie d’Azeville

Un complexe unique

Plan dessiné de la batterie et des souterrains

Entre 1943 et 1944, quatre puissantes casemates en béton armé, destinées à protéger les pièces d’artillerie (des canons 105 mm Schneider 1913), sont alors construites sous par l’organisation Todt.
Le site est également équipé de deux canons anti-aériens. 

La complexité de cet espace militaire réside notamment l’impressionnant réseau de galeries bétonnées et de tranchées couvertes de plus de 800 mètres. Par conséquent, il permet d’abriter hommes et munitions.

Une garnison allemande au cœur d’un village normand

Portrait du commandant de la batterie d'Azeville : HUgo Treiber

Environ 170 hommes sont placés sous les ordres de l’Hauptmann Hugo Treiber.

Ainsi, pendant deux ans et demi, logés dans la commune, ils sont en contact direct avec les 115 habitants.

Plus de deux ans de construction pour trois jours et demi de bataille

Au matin du 6 juin 1944, la batterie entre alors en action en pilonnant le secteur de débarquement d’Utah Beach.
Finalement, après d’intenses combats, le 9 juin, la garnison se rend aux soldats américains de la 4e division.

Aujourd’hui un site de visite

En 1994, dans le cadre du cinquantième anniversaire du Débarquement, le Département de la Manche devient propriétaire des ouvrages bétonnés.
Éclairé par de rigoureuses recherches historiques, le Département permet l’accès et la visite du site au public.

Le site d’Azeville fait partie du réseau des sites et musées géré par le Département de la Manche.

Découvrez en vidéo la batterie d’Azeville

Transcription de la vidéo

Durée 11 minutes 37 – Musique et titre de la vidéo : « Découverte de la batterie d’Azeville » avec Marlène Deschâteaux. Vue du site de la batterie avec un drône.

Marlène Deschâteaux : « Bienvenue à la batterie d’Azeville, un site de la Seconde Guerre mondiale et plus particulièrement un site lié au mur de l’Atlantique. Je vais vous emmener faire le tour de ce site, mais avant une petite remise en contexte.
Entre 1940 et 1941, l’armée allemande a une position très offensive à l’ouest de l’Europe. A partir de fin 1941, naît l’idée d’un nouveau système défensif qui va permettre d’envoyer plus d’hommes à l’est, donc conserver qu’une petite partie à l’ouest, mais de pouvoir assurer la défense des côtes ouest de l’Europe. C’est ce qu’on appellera plus tard le mur de l’Atlantique. Ce mur de l’Atlantique s’étend de la Norvège jusqu’à la frontière franco-espagnole et il mesure environ 4 000 km. Et Azeville va faire partie de ce mur de l’Atlantique, c’est un point d’appui dans l’arrière-pays. »
Alors qu’est-ce qu’une batterie ? Une batterie, c’est tout simplement un ensemble de canons. Ici, on va trouver 4 canons Schneider de 1913. Ils seront par la suite protégés grâce à des casemates entièrement bétonnées.
Si vous voulez, suivez-moi, on va rentrer un peu plus dans le site de la batterie d’Azeville. C’est parti ! »

Déplacement dans les souterrains du site, bruit du piétinement dans les cailloux. ;

Marlène Deschâteaux : « Les souterrains de la batterie d’Azeville, c’est aujourd’hui 350 mètres de visite. On estime qu’à la fin 1944, il y a à peu près 800 mètres de galeries souterraines qui permettent à la garnison de se déplacer d’un point à l’autre, tout en étant à l’abri. »

Vue sur des alvéoles de stockage de munitions puis arrivée dans une soute à munitions qui abrite aujourd’hui une exposition permanente sur la garnison allemande d’Azeville.

Marlène Deschâteaux : « En 1944, cette pièce aurait dû avoir une fonction de soute à munitions. Mais c’est ce que je vous disais tout à l’heure, les Allemands ont manqué cruellement de munitions. Ce qui fait que cette pièce n’a jamais eu cette vocation. Les munitions se trouvaient directement à proximité des casemates et des canons.
Ici, il y avait un téléphone qui était relié directement au téléphone des casemates. Les deux soldats qui se trouvaient enfermés dans cette pièce recevaient l’appel. Ils préparaient les obus qui étaient nécessaires et ils les faisaient passer non pas par la porte qui, elle, était fermée, mais par ce toboggan à obus. L’idée est d’éviter qu’un incendie se propage.
Si les deux soldats qui se trouvent ici sont enfermés dans la pièce, comment font-ils pour sortir ? L’organisation TODT qui a conçu les plans de ces batteries a pensé à créer une issue de secours. Il faut enlever les pierres apparentes et il y a tout un système d’échelle qui permettait aux Allemands de sortir si besoin.
On a, il y a quelques années, eu la chance de récupérer le journal du commandant Treiber, ce qui nous permet de documenter énormément l’histoire de ce site. Et on découvre un homme qui a conscience que les villageois d’Azeville sont en danger du fait de l’implantation d’une batterie sur leur village.
Alors, il faut s’imaginer que du jour au lendemain, il y a 170 hommes qui sont arrivés à Azeville. Azeville, qui est un petit village qui compte à peine 115 habitants à l’époque. Donc il y a plus d’Allemands que de Français sur cette commune. »

Musique, vue aérienne sur l’extérieur du site et le village. Puis de nouveau vue sur les souterrains.

Marlène Deschâteaux : « On poursuit, on va aller dans un abri pour le personnel.
Donc cette pièce, elle pouvait servir de dortoir grâce à un système de chaînes qui était accroché le long du mur. Et ensuite, on trouvait trois lits superposés. Au total, la pièce pouvait accueillir jusqu’à 12 hommes pour servir de dortoir.
Cette pièce, elle a avant tout pour vocation de permettre aux soldats de venir se mettre à l’abri lorsqu’il y a des bombardements extérieurs. En cas d’attaque, les portes blindées sont fermées ainsi que les fenêtres. Alors comme ils sont complètement enfermés ces soldats ils ont tout de même des moyens de communication pour savoir ce qui se passe à l’extérieur. Il y a déjà un central téléphonique. Ensuite, il y a un système de tube acoustique qui permet d’avoir des informations avec l’homme qui se trouve dans le tobrouk juste au-dessus. Et enfin, on trouve un périscope. On peut voir ce qui se passe dehors, on peut être tenu informé. Par contre, on est quasiment invisible aux yeux des autres qui se trouvent à l’extérieur. Comme la pièce est fermée hermétiquement, il va y avoir un problème qui va se poser très très rapidement, c’est le manque d’air ou éventuellement l’augmentation de la pression si jamais on fait rentrer de l’air.
Alors ça va être le cas, ils vont avoir pensé à installer des ventilateurs à bras avec des filtres pour filtrer l’air, mais si on fait rentrer de l’air, mais qu’on n’évacue pas la pression très rapidement ça va être la mort des soldats. C’est pour ça qu’ils ont également installé dans ce type de pièces des bouches de surpression qui permettent d’évacuer la pression de la pièce. Finalement, les hommes peuvent rester plusieurs heures ici en étant à l’abri et en attendant que les bombardements extérieurs se terminent. »
La guide est sortie des souterrains. Elles se trouvent maintenant sur la partie la plus au nord du site et prend la direction d’un encuvement. Le site est venteux ce jour-là.
Marlène Deschâteaux : « Donc, là, on a parcouru à peu près 350 mètres de souterrain. On est parti du Mess et on est arrivé au nord du site. »

Vue sur les casemates grâce à un drône puis sur un encuvement.

Marlène Deschâteaux : « En mars 1942, il y a quatre canons qui vont être installés ici, qui vont former la batterie d’Azeville et ils sont dans un premier temps implantés sur des encuvements à ciel ouvert, ce qui leur permet de défendre le site. Tout autour, on découvre des petites alvéoles de stockage pour les munitions.
Lorsqu’une première casemate est finie d’être coulée, le canon qui se trouvait sur un encuvement était déplacé pour être mis à l’abri à l’intérieur d’une casemate.
Si vous voulez, vous pouvez vous rapprocher pour connaître un peu mieux la situation géographique du site et sa composition [Vue sur un plan du site]. On découvre que nous, on est parti de ce bâtiment d’accueil, qu’on a traversé l’ensemble de cette partie qui est les souterrains. On est sorti ici à l’extérieur et on se trouve sur cet encuvement. Les trois autres encuvements ont complètement disparu aujourd’hui. Tous les traits en pointillés, ce sont les endroits où on trouvait autrefois des souterrains, mais qui ont aujourd’hui complètement disparu. On va poursuivre et on va se rendre à l’intérieur de cette casemate. »

Musique et vue aérienne sur une casemate du site et plus particulièrement sur un encuvement situé sur son toit. Puis vue sur une des façades de la casemate.

Marlène Deschâteaux :  » On aperçoit quelques dégâts qui sont liés au combat entre les alliés et les Allemands de ce site et les quelques obus qui ont réussi à détruire partiellement ces casemates bétonnées.
Il faut s’imaginer que pour construire une casemate de la sorte, il faut à peu près 200 hommes, 200 hommes qui ne sont pas les soldats de la garnison allemande, très rapidement on va faire venir des prisonniers de guerre de l’Est pour participer à ce chantier.
Les premières casemates sont coulées au printemps 1943 et la dernière sera terminée en février 1944 à peine quelques mois avant le débarquement. »

La guide se trouve maintenant à l’intérieur d’une casemate, elle traverse un couloir pour se rendre dans la chambre de tir.

Marlène Deschâteaux : « Les quatre casemates de ce site sont identiques, elles sont construites de la même manière, c’est-à-dire que dans chaque casemate, on trouve tout d’abord deux soutes à munitions, ensuite, on arrive sur la chambre de tir où se trouve le canon et enfin derrière on trouve un abri pour le personnel et un poste pour une mitrailleuse. La particularité des casemates d’Azeville, c’est qu’elles ont été camouflées. L’idée était de tromper l’ennemi. Les deux casemates les plus au nord du site ont été camouflées avec des trompe-l’œil représentant des maisons en ruines, et les deux casemates de l’autre côté, un peu plus au sud, ont été camouflées avec un système de talus. L’idée était de ne pas se faire repérer.
[Photographie d’une vue aérienne du site de 1944]
Lorsqu’on regarde les photos aériennes réalisées par les Alliés quelques jours avant le débarquement, on constate que ce système n’a pas fonctionné, que c’était assez naïf.
Une batterie, c’est censé pouvoir défendre la côte. D’ici on ne voit absolument pas la mer. On se trouve à 5 km de la côte. »

Musique, vue aérienne en direction de la côte puis photographie de 1944 montrant une casemate encore équipée de son canon et vue sur le plan du champ de battage de la batterie.

Marlène Deschâteaux : « Les canons de la batterie d’Azeville, ils ont une portée de 12 km, ce qui permet d’avoir un champ de battage allant de la baie de Saint-Vaast jusqu’à la baie des Veys, en passant par les îles Saint-Marcouf.
Azeville n’est pas toute seule à défendre ce secteur, elle est couplée avec la batterie de Crisbecq et la batterie de Saint-Martin-de-Varville qui vont avoir la charge de défendre l’ensemble de ce secteur. La construction de la batterie d’Azeville a pris à peu près deux ans et demi pour fortifier l’ensemble du site, à la fois les souterrains, la mise à l’abri des canons sous les casemates. [Photographies d’ouvriers et de soldats en charge de la construction du site] Lors du débarquement, elle va rentrer en action seulement pendant trois jours et demi. Alors ça peut paraître court, mais c’est en même temps très très long pour cette période du Débarquement puisqu’elle va considérablement ralentir les alliés. »

Musique, vue aérienne et retour vue sur la guide puis la chambre de tir et une tête d’obus.

« Un événement majeur dont j’ai envie de vous parler, c’est lorsque l’USS Nevada, un énorme cuirassé, va bombarder ce site et va réussir à atteindre cette chambre de tir. Cet obus va être découvert seulement en 1994 avant l’ouverture du site au public. Et cet obus, il va détruire le canon qui se trouve dans cette pièce, il va détruire ce mur et il va également tuer la quinzaine d’hommes qui se trouvent à l’intérieur de la pièce ici.
On aperçoit ici seulement la tête d’un obus similaire à celui qui a perforé cette casemate de part et d’autre. Rien que la taille de cette tête est énorme et ça nous donne une idée des dégâts qu’a pu provoquer son passage. On voit que rien que le souffle a déformé toute la porte qui se trouvait ici. Et en fait, les hommes qui étaient à l’intérieur, ils ont péri à cause du blast du passage de cet obus.
Il a ensuite perforé la fenêtre blindée, et terminé sa course à l’extérieur, juste ici. »
Musique et vue sur l’extérieur, sur la zone où l’obus a été retrouvé.
« Après avoir aperçu seulement la tête d’un obus, ici, on a la photo de l’obus qui mesure 356 mm qui a été découvert en 1994 à la sortie de cette casemate. »

Conclusion par une vue du site, de la guide et du logo du Département de la Manche, propriétaire du site.

« Donc si je fais un résumé, la construction de cette batterie, c’est deux ans et demi. C’est trois jours et demi de bataille qui va se terminer le 9 juin à 14h sur ce site. C’est la fin de la vie militaire pour la batterie d’Azeville. Par contre, il ne faut pas oublier que ce n’est pas la fin de la guerre en France et en Europe. Il va falloir attendre plusieurs mois pour voir la guerre se terminer. »